Textes : Marilène Meckler - Photos et réalisation : René-G. Meckler - Tous droits  réservés

Voyage en poésie : Europe

Europe

Belle région des Pouilles
   
Gardez notre héritage, oliviers millénaires !
Les nombreux bras d’écorce enserrant votre tronc,
Près de l’Adriatique aux frissons légendaires,
Témoignent d’une vie où l’amour danse en rond.

 

Depuis l’aube des temps que les étoiles charment,
Près de vous, le soleil assagit son regard
Pour que la terre boive, une à une les larmes
De la Vierge en prière et robe de brocard.

 

Bougent, comme une mer, vos vertes chevelures,
Des collines, allant, jusqu’aux sables mouillés ;
Elles gardent nos cœurs des mauvaises brûlures
Et le Grand Livre Saint, des versets gribouillés.

 

Ces vignes de toujours, sur échasses, perchées,
Défilent, pour un sol qui rougit de plaisir.
Outremer et turquoise, aux lueurs recherchées,
Écrivent, sur la mer, des contes à loisir.

 

Caroubiers, cerisiers, figuiers de barbarie
Se partagent l’espoir d’abondance des fruits.
Avancent les cyprès sur haie ou sur prairie ;
Lauriers, bougainvilliers dansent même les nuits.
 
Qui pourrait demeurer d’humeur mélancolique,
Quand Alberobello(1) dessine sur le ciel,
Pour chaque maison blanche, un simple toit conique :
L’enfance nous revient, avec son goût de miel.

 

L’espoir d’éternité des logis troglodytes
Et des « trulli  (2)» si ronds, depuis l’antiquité,
Qu’ils font perdre la tête à ceux qui les visitent,
Se lira dans nos yeux allumés par l’été.

 

Elles touchent nos cœurs, au milieu d’un cantique,
Ces villes de légende aux noms évocateurs :
« La mère qui nourrit », c’est Matera l’antique ;
Une autre se suspend aux embruns chuchoteurs(3).

 

Des églises, ensemble, ont tissé les nuages,
Pour donner un linceul au Christ martyrisé.
Et l’art roman retient, depuis le fond des âges,
Dans chaque cathédrale, un chant divinisé.

 

1 - Alberobello : village typique des Pouilles
2 - Trulli : maisons rondes 
3 - Il s’agit de Polignano a mare, ville sur les falaises de l’Adriatique

 

                                                                                                Marilène Meckler

Irlande

 

Ô, toi, mon île verte aux longs cheveux d’embrun,

Je te quittai, jadis en quête d’aventure

Et mon sang d’émigré vers un futur moins brun

N’a jamais oublié le goût de ton murmure.

 

Virtuose inspirée entre les doigts du ciel,

Les cordes de ta lyre ont la mémoire celte,

Le long d’un soupir libre et confidentiel ;

Dans la légende, court l’ombre de ton corps svelte.

 

Tu m’appris à serrer les arbres sur mon cœur

Pour entendre les dieux chanter les terres noires

Où la bruyère verse, en un geste vainqueur,

Le mauve enluminant les pages des grimoires.

 

Avec le vent marin, danse toute la nuit !

Sauvage et tendre amante offerte à l’Atlantique ;

Sous ton jupon d’écume, entrera, sans un bruit,

L’âme aux fières couleurs du peuple gaëlique.

 

Tes troupeaux de moutons et de nuages gris,

Même encor aujourd’hui, peuplent mes somnolences,

Quand frissonnent d’espoir, au bord de mes écrits,

L’eau pure et l’herbe fraîche où dormaient tes silences.

 

Mai réveille en fanfare un fleuve d’or nouveau

Au sein de tes ajoncs, sentinelles des landes ;

Les murets dentelés tricotent ce bravo

Sillonnant le pays pour former des guirlandes.

 

De retour, j’entendrai, par un jour bruineux,

La balade irlandaise humblement éphémère,

À la douceur semblable au sommeil si laineux

De l’agneau juste né, blotti contre sa mère.

 

                                                                                                Marilène Meckler

                                  Tiré de mon recueil "Ces lumineux voiliers de l'âme"

          

Venise

 

Libre dans son lyrisme et dans ses liaisons,

Voguant aux fronts princiers de son architecture,

Venise s'abandonne en feintes pâmoisons

Aux mains d'érosion creusant sa sépulture.

 

L'équilibre incertain de la pierre et de l'eau

Ensemence les peurs de la voir disparaître ;

Fragile et immortelle au bord d'un trémolo,

Elle boit les soupirs, élixir de bien-être.

 

D'orgueilleux étendards chantent haut ses couleurs

Pour joindre à son destin les voiliers et les foules ;

Anges, lions ailés, amants, ensorceleurs

Partagent leur complainte à tous les vents des houles.

 

Naïade paressant le long de ses couloirs,

Entre l'ombre et le ciel, la lagune visite

Les secrets de son âme au-delà des miroirs

Que le présent ternit d'un péril anthracite.

 

Le sein fleuri des yeux de ses admirateurs

Et l'épaule berçant les mouettes et les îles,

Venise doucement, par les soirs enchanteurs

Endort les concertos, moissonne les idylles.

 

Elle ouvre ses palais comme un grand livre d'art

Où faste byzantin, couronnement gothique,

Dans une gerbe d'or, pose sur le regard

Les flammes du vitrail ému par le cantique.

 

Rafraîchis d'oasis sur le sol naufragé,

Ses pas ont chuchoté la volupté marine

Au travesti de soie heureux d'être assiégé

Lorsque la basilique, aux étoiles, chemine.

 

Les poètes du monde aimeraient y mourir

Dans le silence d'algue et d'embrun des gondoles,

Quand s'éteint sous la lune aux paupières saphir,

Le périple vibrant de l'encre et des paroles.

 

                                                                                                     Marilène Meckler

                                         Tiré de mon recueil "Dans le regard des jours"

 

Portugal

  

Un bleu d’azulejos illumine tes yeux

Où voguent vaillamment les hectares de vigne

Et les rangs d’orangers nourris d’un sol crayeux

Sur lequel, chaque soir, le fado s’égratigne.

 

Ton destin solitaire, éclaireur louangé,

A guidé notre Europe au bord de l’atlantique.

Pour toi, le vent du large a toujours protégé

Tes produits de la terre et ton rêve mystique.

 

Sauveur de l'union de la terre et du ciel,

Seul pays qui donna sa couronne à la vierge,

Tu couvres l’horizon d’un riche goût de miel,

Quand ton peuple, à genoux, vient allumer le cierge.

 

Se déroule la vague, afin de soutenir

Ton effort à porter, dans une foi sublime,

La lourde croix du Christ, jusqu’à ton avenir

Qui se colore, enfin, d’un espoir légitime.

 

Les églises prieront près des bougainvilliers,

Veillant, jalousement, sur l’or de ton histoire,

Lorsque s’allumeront les divins chandeliers,

Gardiens du secret de tes heures de gloire.

 

Dans le frisson bleuté de milliers d’oliviers,

Dans le silence blanc de nombreux monastères,

Dans le profond soupir de tous les citronniers,

Tinte discrètement la clé de tes mystères.

 

Des marins, des pêcheurs, des travailleurs des champs,

Hommes au cœur vaillant, femmes aux mains tendues,

Ont voulu te garder, des aubes, aux couchants,

Cette authenticité des époques perdues.

 

Le voyage suspend ton regard migrateur

Quand l’océan chuchote, encore à ton oreille,

Le destin fabuleux d’un grand navigateur,

Mythique portugais dont l’aura t’émerveille.

 

Emportera ton âme, au paradis lointain,

Sur les ailes d’argent des fières caravelles,

Ce désir d’un futur aux émois de satin

Qui naît, pour s’inviter, en des ères nouvelles.

 

                                                                                                          Marilène Meckler

                                    Tiré de mon recueil "Dans le secret de mes silences"

  

Service gratuit et accessible à tous

Créer un site Internet
Créer un blog gratuit avec