Textes : Marilène Meckler - Photos et réalisation : René-G. Meckler - Tous droits  réservés

Poèmes vagabonds : La nature

Les chats

 

Ils gardent, dans les yeux, ces étoiles magiques   

Qui faisaient voyager les reines d’Orient

Et leur belle fourrure a des frissons mystiques

Pour saisir la caresse, aux anges, souriant.

 

Empereurs sans domaine en quête de silence,

Quand le pas se souvient du velours disparu,

Leur museau maraudeur, dans le songe, s’élance,

Retrouvant, chaque fois, le chemin parcouru.

 

Ils prennent, en rêvant, les nobles attitudes

Des animaux sacrés qui charmeront les dieux,

Volupté de la pose, appel des solitudes,

Ils suspendent le temps sur les fleuves des cieux.

 

Vagabonds occupant le cœur de la légende,

Fidèles compagnons du poète inspiré,

Orpailleurs du soleil si le froid se lamente,

Ils composent, pour nous, l’opéra désiré.

 

Laissant, sur les coussins, leur empreinte soyeuse

Où s’endorment déjà les senteurs des jardins,

Ils incarnent l’esprit de la maison joyeuse,

Ces chats de la campagne et matous citadins.

 

Libres, mystérieux troubadours de la lune,

Ils s’en iront sécher les larmes de la nuit

Ayant le goût de sel de l’antique lagune,

Refuge merveilleux du regard qui s’enfuit.

 

                                                                                     Marilène Meckler

                    Tiré de mon recueil "Dans le secret de mes silences" 

  

Mots d’amour d’une ourse blanche

  

Verras-tu, mon ourson, l’aurore boréale    

Barbouiller de couleurs le futur de tes ans,

Faire pâlir d’envie, après l’averse opale,

Le plus bel arc-en-ciel des climats séduisants ?

 

Déjà, le froid polaire enlève ses fourrures

Et mon peuple, aussitôt, souffre de la chaleur…

Viens, pour te rafraîchir, plonger dans les eaux pures,

Ton museau humera leur baiser cajoleur.

 

L’Arctique mouillerait tes cils givrés d’étoiles

Si les mauvais esprits te rendaient orphelin.

Gémirait le silence, en berçant de ses toiles,

Sous l’aile du blizzard, ton sanglot cristallin.

 

Quand la banquise en pleurs perdra-t-elle ses glaces ?

Jamais, si ma prière arrive jusqu’aux dieux !

Ta survie en dépend ; écarter les menaces

Est le devoir sacré de l’homme ouvrant les yeux.

 

Même si l’avenir, dans mon regard, vacille,

Je t’apprendrai comment chasser pour se nourrir,

Où dormir dans l’hiver qui nous prête son île,

Crèche de blanc satin que nous voudrons chérir.

 

Un jour, entendras-tu le chant de la baleine,

Moment d’éternité jailli du fond des mers,

Si la débâcle emporte, au loin, ton cœur de laine

Comme écume d’argent sur les courants amers.

  

                                                                                              Marilène Meckler

                              Tiré de mon recueil "Ces lumineux voiliers de l'âme" 

 

 

Lettre de l'arbre à la Terre !

 

Referme ton livre

Sur mes racines d’encre,

Tu connaîtras le sens de mes jours :

Je respire pour toi.

 

Paroles du vent épuisé d’infini,

Couleurs des saisons

Ouvertes en éventail

Sur la courbe du temps,

Mes feuilles sont le miroir des étoiles

Que tu ne peux atteindre.

 

Arbre à toucher le ciel

De ma vie silencieuse,

Je pose une couronne

D’oiseaux et de nuages

Sur ton front généreux de Mère qu’on oublie.

 

Arbre à choyer les hommes,

Élu comme symbole de leurs fêtes naïves,

J’incarne les vertus

Écloses de leur âme.

S’ils entrent dans la nuit,

Je te confie leurs cendres,

Par la triste douceur des cantiques d’adieu.

 

Terre !

Viens avec moi dans les dessins d’enfants

Pour caresser les cheveux du soleil

 

Et puiser un sourire dans les yeux des fleurs !

 

                                                                                          Marilène Meckler

                                                Tiré de mon recueil "Passagère du vent" 

Fin d'été

 

Fin d’été qui s’effiloche  

Comme la fuite d’un amour,

Sous tes longs doigts de brume,

Fileuse hypnotisée au seuil de ma chaumière.

Douceur mélancolique

Du souffle de la nature

Pareil au dernier baiser,

Si furtif qu’il semble

N’avoir jamais existé…

 

Les jours en semelles de paille

S’échappent des jardins épuisés de fleurir

Et des chairs assouvies.

Reste une odeur de confiture

Sur les élytres des nouvelles rosées,

Prémices de l’automne,

Lorsque les draps froissés

Oublient les idylles.

 

L’air devenu tiède

Butine le miel des figues éclatées

Et le parfum mourant des étreintes défaites.

Enfin les corps et les cœurs se reposent…

Bientôt le raisin de ma treille sera mûr.

 

                                                                                         Marilène Meckler

                          Tiré de mon recueil "Derrière l'éventail de plumes" 

 

Mon oubliée

  

Sous le voile organdi d’une lune farouche,

J’ai caché mes regrets de n’avoir su t’aimer,

Toi, Nature si belle, offerte sur la couche

Que les ailes d’Avril feront bientôt germer.   

 

Prends mon âme captive aux yeux de la rivière

Où la nuit rafraîchit les divins oreillers.

Ne plus être Narcisse admirant sa lumière

M’ouvrira le secret des jours ensoleillés.

 

Je laisserai, demain, ces gants d’indifférence,

Dans les paniers dorés que tresse le soleil,

Pour toucher, attendri par cette délivrance,

Du bout de mes pieds nus, ton éclat de vermeil.

 

Puis, doucement, viendra cette infinie extase

Du dormeur grignotant, jusqu’au petit matin,

Les miettes de ton rêve au miroir de topaze

Qu’Éole fait tinter sous l’éventail mutin.

 

Recueillant, dans mon corps, ta parole sacrée,

J’irai sur la colline user mes sabots gris,

Et respirer ta peau que le ciel a nacrée.

Les voix de la forêt peupleront mes écrits.

 

J’y conterai ta vie, ô déesse fragile ;

Revenu des vergers, mon regard chantera

Les rimes des saisons, comme ton évangile

Que je préserverai dans mon cœur angora. 

 

                                                                                  Marilène Meckler

               Tiré de mon recueil "Ces lumineux voiliers de l'âme" 

  

Paroles du sol pour la neige

  

Druidesse aux chaussons blancs qui m’offrait, en silence,   

La couronne de gui consacré par l’hiver,

Tu berces la nature en cette somnolence

Dont l’arôme est plus frais qu’une eau de vétiver.

 

Hélas ! Je t’ai perdue au bord des terres chaudes,

Quand tu jouais encor dans les mains des enfants.

À ton cou, les flocons posaient des émeraudes

D’où les sapins volaient mille verts triomphants.

 

Tu ne seras plus là, pour escorter mes veines

Et protéger ma chair des attaques du froid.

Bientôt, les crocs du gel dévoreront les graines

Que tu pourrais sauver de ce cruel endroit.

 

Lorsque les vauriens souillaient mon apparence,

Dans ton manteau laineux, je cachais ma laideur.

Dévêtu, j’abandonne, au ciel, mon espérance

De retrouver, un jour, mon rire gambadeur.

 

Chevauchant les torrents fous d’impossibles courses,

Tu te fardes d’écume enlevée aux roseaux

Pour insuffler vigueur aux longs cheveux des sources.

Éternelle beauté, sauvegarde les eaux ! 

 

                                                                                                  Marilène Meckler

                                   Tiré de mon recueil "Dans le secret de mes silences"

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