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Textes : Marilène Meckler - Photos et réalisation : René-G. Meckler - Tous droits réservés
Poèmes vagabonds : les sentiments
À mon fils
En rêve, chaque nuit, je te retrouve enfant,
Comme si le passé, fantôme aux mains de glace,
Avait figé ce temps que la mémoire enlace
Pareille à une mère à l’amour étouffant.
Avec l’envol sucré des notes de musique
Dont, jadis, ton piano régalait la maison,
Je revois tes cinq ans sourire à l’horizon,
Rendant le souvenir à ma plume amnésique.
Malgré ce rideau noir, à mes yeux, suspendu,
Jusque dans mon sommeil, s’étirent les savanes
Où tes premiers dessins protégeaient, sous des lianes,
Une gazelle en pleurs, l’éléphanteau perdu…
Un silence montreur d’aimables dinosaures,
Révèle le contour de ton jeune minois
Voguant sur ma paupière, en coquille de noix,
Entre le clair de lune et les tristes aurores.
Aujourd’hui, tes cheveux commencent à blanchir ;
Cela ne change rien, toujours autant je t’aime,
Toi seul, pourra comprendre aussitôt ce poème,
Au creux de ton oreille, il viendra se blottir.
Marilène Meckler
Tiré de mon recueil "Ces lumineux voiliers de l'âme"
Le baiser
(Sonnet)
Dormir dans un baiser doux comme la flanelle
Pose en votre mémoire un souffle de berceau
Et donne à votre bouche un rêve de ruisseau
Où la fraîcheur de l’onde est jeunesse éternelle.
Viendra-t-il d’un amour épicé de cannelle
Né sous les doigts fiévreux d’un hardi jouvenceau,
Ce gitan qui prendra, de vos cœurs, un morceau,
Pour nourrir sa guitare énergique et charnelle ?
Cet acte de tendresse, écrira-t-il son nom,
En voyelles de paix aux trames de linon,
Sur l’envol duveteux d’innocentes colombes ?
Apprenez, avec lui, les serments ingénus,
Le langage des fleurs, le silence des tombes
Et, sans regret, partez pour des lieux inconnus !
Marilène Meckler
Tiré de mon recueil "Fenêtre sur coeur"
Si j'étais…
Si j’étais un grain de sable
Volé au semeur des nuits bleues,
Je me blottirais dans ton sommeil,
Bien au chaud,
À l’abri des ans.
Si j’étais une goutte d’eau
Tombée des loukoums célestes,
Je glisserais sous ta paupière
Où migrent les rêves amers,
Pour les sucrer !
Si j’étais cette bulle de savon
Échappée du battoir,
Je te donnerais l’arc-en-ciel
Qui bat de l’aile
Dans mon ventre.
Mais je ne suis qu’une lavandière
En sabots de tous les jours.
Penchée au bord de ta rivière,
J’entretiens mes petits bonheurs,
Comme je prends soin de ton linge.
Marilène Meckler
Tiré de mon recueil "D'une petite voix"
D'un enfant devenu grand à sa mère
Toi seule protégeais de sourires berceurs
Mes yeux écarquillés au passage des lunes
Dessinant sur le noir mes chagrins et mes peurs,
Avant que le sommeil m’emporte en ses lagunes.
Dans ton regard soyeux, je voyageais souvent
Sans délaisser le nid de tes bras en guirlandes :
Mon petit cœur volait sur les ors du levant
Comme une balancelle aux pays des légendes.
Ta voix d’une flanelle apaisant l’ouragan
Trouvait toujours la clé de mon pauvre silence.
Tendresse enveloppante aux vertus d’un onguent
Soulageant d’un baiser les bobos de l’enfance.
Maman ! ce mot si doux inventé par un dieu,
Ce mot déjà connu quand restait sur mes lèvres
Un goût de lait tiédi pour un babil joyeux,
Ce nom miraculeux qui dissipe les fièvres !
A présent que mes jours s’effacent au lointain,
Ta fontaine d’amour coule encor dans mes veines,
Toi qui sais pardonner si je m’en vais, hautain,
Vers d’autres océans, séduire les sirènes.
Marilène Meckler
Tiré de mon recueil "D'une petite voix"
Ô toi, l'amante
(Sonnet)
Meunière sans sommeil, debout près de ses blés
Que tu protèges, là, même pendant l’orage,
Tu sauras réunir la force et le courage,
Pour sauver, sous tes pas, ses chemins ensablés.
Le pain doré déteint, lors de moments comblés,
Sur ta laiteuse peau qui recherche l’ombrage,
Besoin de quiétude en ce doux pâturage,
Après les cris de feu des soleils rassemblés.
Berceuse d’un ailleurs où se cachait ton aile,
La musique des corps n’est jamais éternelle,
Dans les baisers de chair aux parfums d’orient.
Et passent les saisons sur ta valse ravie…
Légère, les pieds nus, tourne, en lui souriant,
Fidèle à son regard, jusqu’au bout de la vie !
Marilène Meckler
Tiré de mon recueil "Ces lumineux voiliers de l'âme"
Notre jardin
(À mon mari)
C’est un bout de ton cœur planté, là, dans ma chair
Comme une terre nue où semer des nuages
Qu’une sève appelait de son vœu le plus cher :
Vêtir notre horizon d’exubérants feuillages.
Au fil de ton regard inventeur de jardins,
Vogue, mélancolique, un songe d’herbe folle,
Jeux d’enfance au grand air de ces petits gredins
Dont tu ralliais, jadis, l’heureuse farandole.
La verveine a volé ton sang pour mieux rougir.
Sous tes pas, se réveille un murmure de menthe
Apaisant l’hortensia rose, alors, de plaisir.
La plume des saisons trouve ta voix charmante.
Oui, grâce à ton labeur, tous les hivers mourront !
Santonniers d’une paix que l’on pense éternelle,
Les rameaux d’olivier boivent l’eau de ton front
Quand tes doigts magiciens bercent la coccinelle.
Dans une confidence apprise des matins,
Tu comprends les secrets du langage des plantes
Et des mille clins d’œil jetés par les lutins,
Au cours du fandango des étoiles filantes.
Voici venir le temps de la sérénité
Dont le chant des oiseaux pourra combler tes rides ;
Au monde végétal, tu dois la faculté
D’oublier les envols de nos éphémérides…
Marilène Meckler
Tiré de mon recueil "Ces lumineux voiliers de l'âme"
Amour
(Sonnet)
Entre ce monde et l’autre, une terre infinie
Respire le parfum de leurs corps enlacés,
Chaud réveil de la paille où les fronts caressés
Rêvent d’une croisière aux îles d’harmonie.
Fille des longs soupirs, dans l’étreinte bénie,
La nuit de noir satin cherche des fiancés,
Au fond des miroirs bleus des rivages glacés ;
La berceuse, dès lors, s’achève en symphonie.
Irrésistible amour, le ciel te prend la main ;
Tu quitteras, sans bruit, le lit du parchemin
Où contes et romans dorment sur ta poitrine.
Dans cette vie en chair quand sonneront nos pas,
Tu garderas secret ton goût de mandarine :
Ici-bas, le bonheur ne se raconte pas.
Marilène Meckler
Tiré de mon recueil "Dans le secret de mes silences"